vendredi 29 juin 2018

Step by Step, LEJ


Comme j'aime bien faire des steps-by-steps pour expliquer ma façon de travailler, j'ai décidé d'en faire un sur mon projet d'illustration pour LEJ, comme tout le fil rouge du projet a été assez particulier (pour moi en tout cas).

Tout d'abord, replaçons rapidement le contexte…

Les L.E.J. c'est trois filles qui font de la musique (cômme je m'expime bieeennn).




Fin 2016, alors que j'étais en pleine remise en question de mon travail, de mes choix, de mes aspirations, je contacte Ozarm, le manager des LEJ (et co-auteur de leurs textes, même si je ne le savais pas à l'époque) par email, en mode super professionnelle, à savoir en disant quelque chose comme :
"wi bonjour, je suis dessinatrice et j'aime beaucoup la musique que font les filles de LEJ, et je pense que visuellement y aurait un truc cool à faire, alors moi j'aimerai bien faire un truc mais je sais pas quoi."
...OK, c'était peut-être un peu mieux tourné que ça...on va dire que le cœur y était, mais je m'étais préparé mentalement à ce qu'on me réponde que j'avais complétement craquée et qu'on allait me lancer des pierres si je continuais. ...non, je n'ai strictement aucun soucis de paranoïa.

Mais loin de là, j'ai finalement rencontré Ozarm, ainsi que les trois filles après un concert (et autant dire que se retrouver en face de personnes talentueuses qu'on vient de voir tout déchirer pendant deux heures sur scène depuis une fosse remplie à craquer, on a un peu la pression…) il y a un an (trèèèès précisément !)

Après avoir parlé de "On fait quoi du coup ?", plusieurs pistes ont été lancées (série de portrait, bande dessinée, carnet de croquis, illustration pour l'album,...), le "c'est toi la dessinatrice, on te fait confiance" a conclut le rendez-vous. Leur emploi du temps hyper intense ne nous a pas permis de nous revoir, et je restais toujours avec cette idée dans un coin de la tête, tout en cherchant quelque chose de pertinent à proposer.

La sortie de l'album m'a posé moultes questions.
Faire une bande dessinée en mode "biographie" ne m'inspirait pas trop, je n'avais pas envie d'avoir l'impression de proposer quelque chose qui ressemblerait à une grosse commande toute lisse et entendue en mode "Franck Dubosc en BD"...et faire des portraits pour faire des portraits, sans sens derrière, oui, mais "et après" ?

En gribouillant, je me suis retrouvée avec ce dessin, qui a commencé à me donner des idées.
Comme d'un côté, mon (fameux) pote Nico, dessinateur très talentueux de son état, et co-auteur de notre dictionnaire-absurde mondialement connu par lui et moi, genre LE mec à qui je soumet 95,5% de mes dessins pour avoir son avis, me poussait à continuer et à aller plus loin dans mon style "petits motifs", et que de l'autre côté, j'écoutais cet album, relativement mélancolique par moment, qui avait quelque chose d'un peu abstrait et surprenant dans les paroles et la façon de gérer la musique et les voix (là tout de suite je pense à "l'époux d'un soir", qui finit avec ces voix qui s'entremêlent et résonnent et me donne littéralement le vertige...ça me semble tellement graphique...et balèze à la fois…!) en me disant de plus en plus qu'un dessin classique illustratif, ça n'irait pas avec.

J'ai commencé par reprendre l'idée du croquis, en voulant les intégrer dans une silhouette de violoncelle, en référence à l'instrument qui les accompagne. L'exercice de devoir emboiter des forme, en mode sculptures du moyen âge :
"- les gars, on a un challenge. On a un rectangle, horizontale, et on doit représenter Eve qui cueille la pomme dedans. -...ben c'est facile, tu la représente allongée, le bras tendu en arrière pour attraper le fruit, et tu contorsionne le reste comme tu peux pour que ça rentre."


...vive les cours d'Arts Plastiques de seconde…

En partant de cette idée, j'ai fait un croquis pour le dessin qui a servit à illustrer l'épilogue.


Je pensais faire cet unique dessin, et là je me suis dit...non mais sérieusement ma grande...ça fait un an et demi que ce projet est en train de se former, ça fait un an que tu y cogite sérieusement...et genre tu vas te contenter de ça...au boulot, fainéante !!
*
("Beuh mais c'est dur" à répondu la part de moi qui voulait partir en vacances à la mer. "Tais toi et bosse !" à répondu la partie de moi qui était courageuse et qui savait que mon portefeuille ne me laisserai de toute façon pas le luxe de partir au Bahamas dans les cinq jours à venir.)
*
L'idée des poupées russe a donc suivit naturellement dans ce concept de l' "imbriqué".
Puis, comme j'étais consciente que ça allait vite tourner en rond si je me disais pour chaque dessin : "une silhouette d'un objet ou d'un thème dont parle la chanson, et le portrait des filles dedans", j'ai commencé à écouter l'album, et à juste voir quelle images me venaient spontanément.
* à noter, amis dessinateurs, que définitivement, dans ces moments, rester assis devant sa feuille blanche à dire" maintenant, je dois travailler. Maintenant...maintenant !!" peut rapidement être assez stérile. Ma technique a donc consisté à prendre mon petit lecteur mp3 (oui, je suis vintage), mon casque et mon chien (facultatif), et d'aller me promener en écoutant les chansons. 

Certaines idées sont venues très spontanément en mode "Eurêka !". D'autres sont venus tout aussi spontanément, mais je m'auto-censuré en me disant que c'était pas assez parlant, ou pas assez bien, ou quoi...et finalement, comme ce projet n'avait pas de but précis, je me suis dit que les meilleurs choses étaient celles faites avec le cœur, et que même si ça semblait n'avoir aucun sens ou aucun lien, pour personne, moi j'y verrai un fil rouge. 
Parce que la vie a le sens qu'on lui donne. Ahin !
D'autres images ont été vraaaaiiiiment compliquées à trouver…(c'est la page "confessions", là, attention…)
Par exemple, "Dis Siri" est celle dont je suis le moins contente. Les paroles me parlaient, la chanson me plaisait...mais faire passer ça en dessin, et dans ce style, c'était une autre histoire.
C'est dingue comme parfois on a une énorme inspiration sur quelque chose qui nous parle sans plus (je ne parle pas de cet album, ici ! :-p), et que comme d'autres fois on est compéltement bloqué sur quelque chose qu'on adore.

Bref, j'y ai mis pleins de symboles, de trucs que j'avais en moi, d'émotions que les chansons m'ont inspirées, et des choses moins conscientes et moi palpables qui me viennent spontanément quand je fais ces "dessins motifs".

Pour la partie plus technique, je vous copie-colle ci-dessous les images, brut, comme je les ai travaillé. Et je vous explique comme j'ai fait.


- Tout d'abord, je prend mon ami le critérium 0.9 avec mes mines 2B qui changent la vie, et mes feuilles de papier machine A4 (parce que je ne coûte pas cher).







Je ne sais plus dans quel ordre je les ai fait...pas dans l'ordre de l'album, ça c'est sûr...comme vous pouvez le voir, il m'arrive de bien raturer comme il faut et de recommencer. Parce que c'est ça aussi le dessin. C'est recommencer, râler, dire qu'on n'y arrivera jamais, pleurer un coup, et recommencer encore. ...quel beau métier ! :D

Comme mes années de cours d'Arts Plastiques et de Fac d'Arts m'ont marqué quoi que j'en dise, et que j'aime voir et mettre des symboles et des concepts partout, j'ai réfléchis pas mal d'image en ce sens, d'où les petites annotations dans tous les coins, pour préciser des choses soit sur la technique, soit sur les idées que je voulais mettre en avant.

* les dessins sont scannés avec mon scanner-baguette portable, c'est pourquoi les feuilles n'ont pas toujours l'air d'être rectangulaire, ou qu'il y a des trucs bizarres...je ne m'amuse pas à faire du découpage, c'est pas du tout mon truc. Juste pour préciser pour ceux qui veulent utiliser ce post comme un tutoriel.








Je nettoie ensuite les images, les réajuste avec le "Ctrl+T", les met toute dans un format un peu standard pour avoir une unité et des pages en A4.
Comme je suis une tricheuse (et aussi que je voulais que ce soit propre), sur l'image 1, j'ai pris les silhouettes de poupées russes trouvées sur internet, ainsi que la photo d'un violoncelle pour avoir une bonne base d'emblée. L'image du violoncelle et de la poupée russe au sol ont été assemblé après l'encrage sur photoshop. A noter que c'est la seule image que j'ai retouché (mise à part le cleanage de base).

Pour la dernière image, j'ai utilisé la silhouette d'une photo de violoncelle de trois-quart.
J'avais aussi imprimé quelques petites références que j'avais sous la main pendant l'encrage (photos des LEJ, ainsi que des photos de voiliers, de fleurs fanées, de violoncelle, et d'une tout à fait splendide image de père Noël en poupée russe (pour voir comment s'était une fois ouvert. Mais aussi parce que le Père Noël était trop sexy.)







Voici à quoi ressemble les scans.
Le cleanage consiste à refaire les niveaux et à virer le trait rose (image > réglages > noir et blanc, sur photoshop. Ca part tout seul !)

J'encre directement sur mon crayonné rose, me laissant donc beaucoup de liberté et beaucoup de place à l'improvisation, toujours avec mon critérium 0.9 
*
Petit aparté "je me vénère sur la technique" :
Je sais qu'une fois de plus le terme "encrage" ne plaira pas à certains : "heu mais noooonnnn, c'est pas de l'encre donc c'est un crayonné, gneeeuuh…!" ...ce à quoi j'ai désormais décidé de répondre avec une grande élégance : je vous emmerde. Pour moi le crayonné c'est le brouillon. Le mien est rose. L' "encrage", pour moi, c'est le terme générique pour dire "la mise en propre et le repassage des traits", donc qu'il soit fait avec de l'encre de chine ou de la chantilly, tant que c'est une version reprise, cleanée, finalisée, j'estime que c'est un encrage.
Alors vraiment, s'il vous plait, lâchez moi à essayer de sous-entendre que c'est "pas fini" parce que j'ai décidé d'utiliser le crayon comme principal outil. Ca commence à devenir franchement vexant vis à vis du temps que je passe sur mon travail et de la qualité que j'essaye d'obtenir. Si vous trouvez que mes dessins finalisés ont un aspect crades, dîtes le moi franchement, mais j'apprécierai qu'on arrête de penser que si j'encre au crayon c'est que je ne sais pas faire autrement.
Merci.
-et désolée pour le petit coup de gueule qui n'a rien à faire là, mais...mais, quoi !-

*

Et enfin, la mise au propre, et voilà,
20 minutes au four à 180° et c'est prêt.













*

...et juste pour prouver mes dires (la rencontre, et, pour ceux qui ne m'avait pas vu à l'époque, le fait que j'ai eu pendant quelques temps une coupe de bagnard) :


Héhé ! ^^