dimanche 9 décembre 2018

Hommage à Michel Plessix



J'ai découvert les albums de Michel Plessix quand j'avais environ 13 ans je crois. Je ne me souviens pas bien de la date, mais je me rappelle parfaitement le cadre, le lieu, même le rayon où j'étais seule et où j'ai sorti le premier tome du Vent dans les Saules. La claque avait été immédiate.

A 17 ans j'ai été invité (je ne sais toujours pas pourquoi ni comment) à un repas d'auteur lors d'un festival. Il était assis à la table d'à côté. Je me rappelle des auteurs de ma table et d'un autre qui était venu se joindre à eux, qui m'avaient tous poussaient à aller lui parler.
Après avoir hésité un bon quart d'heure, à l'instant où je commençais à me lever pour me diriger vers sa table, il partait dans un grand débat joyeux avec ses amis auteurs. Le genre de débat où on sent que si on a deux centimètres de respect et de politesse, on va éviter d'aller casser leur instant de retrouvaille, et où on sent que c'est juste pas le moment.

Depuis lors, j'ai croisé régulièrement monsieur Plessix dans les festival, de plus ou moins loin, en réussissant parfois à lui adresser quatre mots et demi, et toujours avec la mâchoire qui se décrochait quand je l'apercevais (ma sœur en aura été témoin un beau jour de Juin où il est entré dans un restaurant où nous étions en terrasse, avec cette phrase de groupie lâchée dans un souffle "...c'est Michel Plessix…!!"  , avec cette succession de hasard de la vie qui a fait que systématiquement, quelque chose se goupillait mal et faisait que "ce n'était pas le moment" pour vraiment parler avec lui.

Il était devenu un de ces visages connu qu'on a plaisir a apercevoir, tout en sachant qu'ils ne font pas partie de nos vies, ils ont une place bien présente, plus ou moins marquée selon les période, sur la toile de fond de notre cerveau et de notre mémoire.

Je pense que j'ai eu l'occasion (et surtout la chance) de rencontrer, plus ou moins longtemps et avec plus ou moins de feeling, dans des contextes plus ou moins étonnants, presque tous les auteurs que j'admire vraiment le plus au monde.
De ce qui ont vraiment compté dans mon travail et dans ma vie à travers leur travail.

Michel Plessix fait indéniablement parti de ce "Top5"...Top3 selon les jours…
Et très souvent quand on me demandait ma bucket list, une des réponses évidentes étaient : "Rencontrer Michel Plessix. Lui demander son avis sur mon travail. Avoir l'occasion de vraiment discuter avec lui."
Mais ça aussi ça faisait partie d'une toile de fond : avec tous les coups de chance et les belles rencontres que j'avais fait durant ces années au détour de festival, c'était une évidence que ce souhait se réalise un jour, et que ce n'était qu'une question de temps.
Je trouvais une certaine beauté poétique à ne pas forcer le destin et à attendre patiemment ce genre de moments délicat qui font d'une rencontre qu'elle devienne encore plus belle. (et je suis toujours en accord avec cette acceptation des petits hasards qui créent des effets papillons incroyable. Pas de regrets là dessus.)

Un beau jour de Juin 2017, alors que je sortais d'une journée ensoleillée où les moments magiques de par leur harmonie parfaite c'étaient enchainés, et que je monté dans un train pour repartir, je suis tombée sur cet homme, assis dans l'allée où je passé.
Même là la succession d'heureux hasard de cette journée était présente, puisqu'il était à peine 15h et que le festival où j'étais venue en touriste ne fermait pas ses portes avant 19h. La probabilité de croiser un auteur en pleins milieu de l'après midi dans un train était pour le moins très faible.
...j'avais hésité, il semblait occupé à écrire. j'avais avancé dans l'allée...étais revenue sur mes pas, et lui avait dit avec la voix la plus bredouillante et intimidée du monde tout le bien que je pensais de son travail.
Il m'avait répondu avec la grâce d'un mousquetaire gentleman "Merci !...on fait ce qu'on peut !"  
J'étais alors reparti le cœur léger, un sourire niais (de groopie, vous dis-je) aux lèvres.

Michel Plessix est mort brutalement moins de trois mois après cette journée si parfaite.

Avec son décès, c'est toute une partie de mes souvenirs, mais surtout d'un futur que je souhaitais qui s'est effondré. 
J'ai entendu quelqu'un dire un jour 
Quand on fait un deuil, on ne fait pas le deuil du passé. On fait le deuil des futurs souvenirs qu'on ne pourra jamais vivre."
je trouve cette phrase d'une justesse déconcertante et désemparante.
Ce reflet de notre impuissance absolue face à la mort. Ce sentiment je le connais un peu trop bien, et depuis un peu trop longtemps à mon goût. A la longue, j'ai appris à faire un deuil, à accepter, à avancer, à reconstruire.
...mais pour celui-ci, je n'y arrive pas.
...quelque part, je pense que je suis encore dans un refus vis à vis de ça. Au delà du refus de cette disparition, un refus même de l'idée d'accepter.

J'imagine que c'est comme pour tout, ça viendra, jusqu'à ce qu'un beau jour, tout cela m'évoque juste une pensée douce et attendrie.
...mais en attendant, tomber de façon si inattendue sur son nom a juste réussi à me mettre les larmes aux yeux et le seum, en toile de fond encore une fois, pour la journée.

*
Lisez son adaptation du "Vent dans les Saules", c'est beau, c'est pleins de détails comme il en avait le secret, c'est peint avec une main de maître, et on s'y retrouve dans un cadre douillet et réconfortant, avec pleins d'images de nourriture qu'il dessinait comme personne, qui font du bien.

Lisez "Julien Boisvert", c'est une des plus belle histoire de vie, avec tous les détours et les changements qu'elle comporte, et le façonnage d'un caractère et d'un chemin, qu'il m'est été donné de lire, et dont j'ai eu ce sentiment si fantastique avec une bonne œuvre, d'en sortir grandie.

*

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