* attention, ce texte contient des témoignages d'abus
sexuel*
Il y a quelques années, j'ai été agressée sexuellement par une
personne que je connaissais peu mais en qui j'avais confiance. Puis
une relation d'emprise et de rabaissement a été maintenue de la
part de cette personne, qui se prenait pour un Pygmalion.
Tout ceci a eu des incidences sur l'ensemble de ma vie depuis des
années.
Dans ce contexte j'ai eu peur de toute relation humaine et je me
suis tenue plus ou moins à l'écart du monde pendant des années.
Plus récemment, deux personnes qui furent mes amis et qui étaient
au courant de cela, n'ont pas hésité à m'enfoncer quand je me suis
remise en couple pour la première fois depuis des années, et à
soutenir des personnes prétendument féministes qui m'ont insulté
de « pétasse » pour la simple raison que je me mette en
couple.
Ce mois de Mars a été l'occasion de commencer à retirer une
muselière que je porte encore et encore. J'aimerai l'enlever une
bonne fois pour toute ce soir en adressant un texte à ce Pygmalion.
Désolée par avance pour ce texte, à la fois flou et pesant.
*
A toi, mon oppresseur, mon Pygmalion, le Lord Henry qui a voulu
faire de moi sa vision de Dorian Gray.
Mon quotidien aujourd'hui aurait sans doute était très différent
si tu n'avais pas franchi les portes de ma vie, de ma confiance, et
finalement de ma chambre.
Sans prévenir, sans demander la permission. Sans demander mon
consentement.
Je te dois tellement, comme tu me l'as rappelé sans relâche.
Oui.
Je te dois ma seconde agression sexuelle par une tierce personne
(la première te reviendra de droit), à force d'avoir joué à
brouiller les pistes de mon esprit et à ne plus savoir comment je
devais me comporter pour respecter ta volonté ni la mienne, à ne
plus savoir que j'avais le droit de dire "non".
Le flou dans le respect que je me devais à moi-même et les
limites que je devais imposer aux autres.
Les attitudes qu'il aurait était approprié d'avoir.
Je te dois aussi sept années de terreurs, d'angoisses, de maux de
ventre, de mensonges à moi-même et aux autres pour te préserver.
De peur des hommes. De peur des gens tout court.
Je te dois ces quelques dessins de chaperons rouges érotiques,
comme des messages cachés pour essayer d'attirer l'attention des
gens à l'extérieur, comme une bouteille à la mer très bien
cachée.
Ces chaperons qui auront suscités, au delà de quelques regards
lubriques en festivals non-souhaités et inattendus, quelques phrases
dédaigneuses : "C'est pas TOI, ça".
Non, en effet, ce n'est pas moi, et c'est bien pour ça que je les
dessinais. Pour lancer l'alerte. Pour essayer de dire que quelque
chose clochait.
Je te dois aussi d'avoir sût apprécier le roman "Jessie"
de Stephen King à sa juste valeur.
-Stephen King, mon premier sauveur, qui m'a aidé à son insu à
dépasser des deuils inacceptables avec "Simetière". Puis
qui m'a appris dans cet autre roman que "une personne qui
considère qu'une femme n'est rien d'autre que la combinaison de
survie d'une chatte, n'est pas quelqu'un de bien".-
Pour finalement en arriver au "Consentement" de Vanessa
Springora, qui a fait l'effet d'un ultime électro-choc, après des
années de cheminements, et qui semblait m'expliquer soudainement
tellement de choses autour desquelles je tournais depuis des années,
citant à loisir et à répétition la fin du film "American
Beauty", et le renoncement du héros à ses fantasmes sur
l'adolescente qu'il convoite, en comprenant soudain le quiproquo qui
les avait lié.
Certes, je n'avais pas 15 ans. Cependant, la surprise, la carte de
l'humour pour masquer et distordre la réalité, et l'emprise ont
parfaitement pris sur la personne candide que j'étais.
Je te dois d'avoir arrêté de rire aux blagues graveleuses, je te
dois de ne pas avoir supporté qu'on me traite de pétasse "pour
rire", après des années d'insultes de ce genre de ta part.
Je te dois (et à quelques autres), d'avoir perdu toute confiance
en mes créations, en mes dessins, et d'avoir même en parti perdu de
vue l'envie et le plaisir de dessiner, alors qu'on me laissait penser
que je n'étais là que pour exécuter ce qu'on me demandait de
faire.
Je te dois aussi d'être devenue hyper-vigilante face à toute
forme de domination, d'emprise, de rabaissement que je peux voir, ou
que je crois voir. De gestes ou de paroles potentiellement
sexuellement déplacées aussi.
Pour ça, je te dois aussi finalement le fait que j'ai voulu jouer
les chevalier-servante avec les opprimés; avec une personne en
particulier, cherchant à le protéger quand il m'a parlé des
oppressions qu'il ressentait lui-même, et des attitudes de
manipulation sexuelle et d'ambiguïtés menant à la folie et à la
dépression qu'il avait vécu.
Dommage : j'ai pu me rendre compte que tu n'étais pas le
seul à refuser de prendre tes responsabilités, à parler de
quiproquo là où tu savais très bien ce que tu faisais, ou à
monter le ton quand on n'allait pas dans ton sens, insultant ceux qui
clament leurs souffrances et tentent de provoquer le dialogue, les
faisant taire à coup de retournement de situations.
Je continue de me demander si j'ai tant souffert de ces récentes
situations et injustices auxquelles j'ai été confrontée, ou si
j'ai simplement été dévorée par le constat pitoyable, triste et
mortifère que toute la laideur, la cruauté et l'égoïsme que j'ai
vu dans tes actes existait ailleurs.
J'ai pensé à toi il y a des années en écoutant la chanson de
Ben Mazué "tu m'auras tellement plu".
Après tout, c'est vrai...on aura tellement ri.
Pourtant aujourd'hui, en ré-entendant cette musique, je pensais
d'avantage à des amis qui ont eu la trahison et la méchanceté
facile.
Ces mêmes amis qui étaient au courant de ces deux agressions
sexuelles mais qui ont semblé tout oublié le jour où j'ai annoncé
que je me noyais, tout en bousculant un peu trop, par effet ricochet,
leur quotidien et leur confort, et qui n'ont pas hésité à me
reprocher d'oser enfin refaire confiance à quelqu'un, venant
m'appuyer la tête plus fort pour que j'achève de boire la tasse.
Les choses auraient-elles été
différentes si ils avaient partagé ce passé compliqué avec
d'autres, notamment avec les militantes féministes qui ont eu envers
moi et envers d'autres des insultes exclusivement misogynes ? Ou
faut-il définitivement cesser d'être naïf face à la nature
humaine, dès que l'égo s'en mêle ?
"C'est foutu, c'est fini. On a perdu, j'ai compris. On se
sera bien battus." Iels m'auront tellement plu.
Ainsi, j'ai cessé de te reconnaitre dans cette chanson. Par
contre je t'ai vu en entendant Ben Mazué reprendre la chanson "I
will survive" de Gloria Gaynor. Dans chacun des mots de sa
traduction.
Et comme il dit : "Je ne suis plus sous emprise de toi, je ne
suis plus triste et désolée".
Désolée mon ami.
Je ne peux pas promettre que tu cesseras à jamais de me manquer,
la nostalgie s'emparant parfois trop de la mémoire pour la remodeler
selon les humeurs du moment.
Je ne peux pas non plus dire que je suis ou que je serai capable
de te détester malgré toutes ces larmes que tu m'as fait verser, et
que je verserai sans doute pour toujours en pensant à ce que tu m'as
pris en terme de temps, de confiance, d'humiliation. En pensant que, comme Vanessa Springora, je suis désormais un jouet cassé.
Toi qui m'a dit avec un sourire entendu que si je parlais de tes
gestes envers moi, non annoncés, non consentis, "malheureusement
dans la société machiste dans laquelle on vit" mes propos se
retourneraient plus contre moi que contre toi.
Pourtant je ne peux plus et ne veux plus jouer à devenir ta
vision de Dorian Gray sous tes conseils et tes paroles expertes.
Désolée de ne plus te répondre, désolée d'avoir changé de
numéro pour ne plus t'entendre essayer de me détourner de ce que
j'estime être mon droit chemin, ou essayer de m'amadouer en me
faisant croire à une potentielle maladie ou autre soucis.
Désolée de t'enlever ce jouet "qui te faisait sortir de ta
vie".
Et en même temps, comme tu m'as dit une fois "qu'importe le
flacon, pourvu qu'il y ai l'ivresse" : tu pourras donc trouver
un nouveau flacon à modeler, pour vivre ta vie par procuration.
Je te souhaite le meilleur.
En souhaitant tout de même aussi que tu te tiennes loin des
jeunes filles et des femmes qui auront eu la crédulité de te faire
confiance, pensant à tord que ton humour tendancieux et sexualisé
n'était que de l'humour et qu'il fallait te croire quand tu appelais
"mains baladeuses. Pour rigoler." des attouchements sexuels
non-consentis, illégaux et destructeurs.
*
Vous pourrez écouter ici la reprise de "I will Survive", traduite en Français, par Ben Mazué :
Ben Mazué - I will survive (Gloria Gaynor) | LE PETIT LIVE - YouTube